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Evolution des usages et émissions des gaz fluorés, en particulier ceux de type hydro-fluorocarbures (H-FC)

1. En quoi les gaz fluorés sont-ils impliqués dans la destruction de la couche d’ozone et les changements climatiques ?

    Les CFC (chloro-fluorocarbures) sont un groupe de gaz qui étaient largement utilisés dans les systèmes de réfrigération et les aérosols, entre autre à cause de leur grande stabilité et du fait qu’ils sont peu réactifs (et donc peu toxiques) au point de vue chimique.

    Par contre, on s’est rendu compte dans les années 80 que ces gaz étaient dommageables pour la couche d’ozone, principalement par le biais du chlore qu’ils contenaient et qui était libéré dans la haute atmosphère quand les molécules de CFC étaient décomposées par les rayons à haute énergie du soleil. Ils ont été progressivement bannis suite au Protocole de Montréal de 1987 et remplacés par d’autres gaz fluorés contenant, moins de chlore et qui de ce fait sont nettement moins (90%) dommageables pour la couche d’ozone parce qu’ils se décomposent avant d’atteindre la couche d’ozone et donc sans y libérer des atomes de chlore (les H-CFC), ou des gaz fluorés ne contenant pas de chlore du tout (les hydrofluorocarbures ou H-FC). Ils avaient aussi la propriété d’être utilisables sans devoir changer aussi les installations de réfrigération ou de conditionnement d’air existantes.

    Les principaux domaines d'application des hydro-fluorocarbures (H-FC) (PNUE, 2011)

    • Réfrigérants dans les systèmes de réfrigération stationnaires et mobiles (~ 55% de l'utilisation totale de H-FC en 2010, exprimée en équivalent CO2)
    • Réfrigérants pour la climatisation (automobile (~ 24%); 
    • Agents gonflants dans les mousses plastiques d’isolation (~ 11%) ; 
    • Gaz propulseur pour les aérosols (~ 5%); 
    • Agents extincteurs (~ 4%); 
    • Solvants (~ 1%); 
    • Gaz de gravure dans la production de semi-conducteurs (~ <1%) 

    2. Comment le bannissement progressif des H-FC a-t-il été planifié ?

      Si le bannissement des CFC et H-CFC a été réglementé et programmé au niveau mondial via le Protocole de Montréal, du fait de leur effet sur la couche d’ozone, l’accent est mis aujourd’hui sur la substitution des gaz fluorés de type H-FC en raison de leur pouvoir de réchauffement climatique (PRC). La réglementation relative aux H-FC a été progressivement établie au travers du Protocole de Kyoto de 1994 sur les gaz à effet de serre. Pour sa part, l’Union européenne a adopté un cadre législatif et réglementaire strict, des politiques fiscales, la mise en place de quotas limitant leur mise sur le marché et des outils technologiques et économiques adaptés.

      Alors que les CFC représentaient 12 à 15% du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropogène, les H-FC n’en représentent aujourd’hui qu’environ 2%. Il s’agit à ce jour de la principale réalisation concrète en matière de réduction d’émissions de gaz à PRC.

      GWP-weighted Fluorocarbon Production (1980-2007)

      3. Quelles sont les contraintes réglementaires mondiales et européennes en matière de H-FC ?

        Du fait des exigences imposées par les règlements internationaux, les initiatives et actions que peuvent et doivent prendre les acteurs non-étatiques en matière de réduction d’impact climatique des gaz à effet de serre fluorés et en particulier les H-FC, sont très cadrées.

        4.a. L'Amendement de Kigali au Protocole de Montréal, relatif aux H-FC

        Via l’Amendement de Kigali au Protocole de Montréal signé en 2016 par les représentants de 197 États, les pays industrialisés se sont engagés à réduire à partir de 2019 l'usage des H-FC de 45 % d'ici à 2024 et de 85 % d'ici à 2036, en prenant comme référence la période 2011-2013. Dans ce contexte, les pays en développement commenceront à plafonner et à réduire leur consommation de H-FC à partir de 2024.

        4 .b. Le Règlement de l'UE de 2014 sur les gaz fluorés et l’élimination progressive des H-FC

        Les Règlements de l’Union européenne2 ont, dans un premier temps, planifié l’élimination progressive de la mise sur le marché entre 1995 et 2015 des gaz fluorés CFC et H-CFC du fait de leur effet destructeur de la couche d’ozone mais aussi déjà du fait de leur impact climatique.

        Dans un second temps, le Règlement européen 517/2014 sur les gaz fluorésà effet de serre3, a été étendu à la catégorie des gaz ayant un PRC supérieur à 2500, en particulier les H-FC. A noter que les exigences de réduction du Règlement européen sont plus fortes à l’horizon 2024 que celles de l’Amendement de Kigali : 69% contre 45% (exprimées en teq. CO2). Elles comprennent d’ici 2025 un calendrier de diminution progressive de mise sur le marché de ces substances et des équipements neufs qui les mettent en œuvre, pour les ramener en 2030 à 21 % par rapport à la période 2009/2012 (voir tableau ci-dessous).

        Calendrier prévisionnel des interdictions prévues par le nouveau
								réglement F-Gaz II
        Calendrier prévisionnel des interdictions prévues par le nouveau réglement F-Gaz II
        Source : Ademe (France), Observatoire des gaz fluorés - Rapport annuel 20174

        4.c. Les quotas européens de mise sur le marché européen des H-FC

        Pour stimuler la réduction de mise sur le marché des H-FC à fort PRC, la Commission Européennea mis en place un système d’allocation de quotas qui s’applique aux producteurs, importateurs et distributeurs de gaz fluorés, sur la base d’un calendrier d’interdictions d’usages pour certains équipements. Depuis 2017, les H-FC des équipements de réfrigération, de climatisation et de pompe à chaleur (« RACHP ») sont couverts par ce mécanisme de quotas qui sont alloués et réévalués tous les trois ans. Il est possible de les transférer d’une entreprise à une autre mais aucun mécanisme de marché spécifique n’a été prévu et chaque acteur doit veiller à ne pas dépasser son quota respectif, y compris pour les H-FC des équipements importés et obtenus via autorisations.

        2 Règlement de l’UE 1005/2009 
        3 Le Règlement de l’UE 517/2014 entend par «gaz à effet de serre fluorés» les hydro-fluorocarbones, les hydrocarbures perfluorés, l’hexafluorure de soufre et les autres gaz à effet de serre contenant du fluor énumérés à l’annexe I, ou les mélanges contenant l’une de ces substances. 
        4 www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/observatoire-gaz-fluores-donnees2016-201709-rapport.pdf  

        4. L’interdiction des H-FC dans le cadre de la réglementation européenne est-elle systématique ?

          L’interdiction d’usage des H-FC ne s’applique pas aux équipements pour lesquels, du fait des gains d’efficacité énergétique obtenus pendant leur fonctionnement (via notamment les exigences en matière d’écoconception de la Directive 2009/125/CE), les émissions exprimées en équivalent CO2 sur l’ensemble du cycle de vie seraient inférieures à celles d’équipements équivalents ne contenant pas de H-FC.

          Les gaz fluorés ne représentent qu’environ 20% de l’impact climatique global de leurs principaux secteurs d’utilisation que sont les systèmes de réfrigération et de conditionnement d’air, et les mousses d’isolation thermique. L’essentiel de cet impact (70 à 80 % dans le cas des systèmes de réfrigération) provient des émissions indirectes de CO2 liées à leur consommation électrique (fabrication, maintenance, … ). C’est pourquoi, dans les stratégies des acteurs non-étatiques, il est essentiel de ne pas dissocier ces deux aspects dans l’appréciation de l’impact climatique global des systèmes utilisant des gaz réfrigérants.

          De même, le Règlement de l’Union européenne ne s’applique pas dans le cas où le recours à des solutions de substitution techniquement possibles et sûres entraînerait des coûts disproportionnés5.

          Le rejet intentionnel dans l’atmosphère de gaz fluorés à effet de serre est par ailleurs interdit et toutes les mesures techniquement et économiquement possibles doivent être prises pour éviter les rejets accidentels (« fuites»).

          5 Il ne s’applique pas non plus aux équipements militaires, ni aux équipements destinés à des applications de réfrigération à une température inférieure à – 50°C.

          5. Quelle est l’évolution de la mise sur le marché des gaz fluorés en Europe et quelles sont les alternatives ?

            Du fait de l’interdiction de la mise sur le marché des H-CFC depuis 2015, les volumes de fluides réfrigérants fluorés fabriqués en Europe ont diminué passant de près de 60.000 à moins de 40.000 tonnes entre 2007 et 2015.

            En France, la baisse de 18% des volumes mis sur le marché entre 2014 et 2016 s’explique notamment par l’arrêt d’un site de production.

            En Espagne, pour remédier à l'efficacité limitée des taxes antérieures et répondre aux pressions exercées par les parties prenantes européennes et nationales, une taxe proportionnelle au PRC a été instaurée en 2014 pour les gaz dont le PRC était compris entre 150 et 4300.

            La récupération et le recyclage des gaz fluorés

            Selon le rapport de l’ADEME déjà mentionné4, alors qu’il existe des installations industrielles de recyclage, le rapport entre volumes récoltés et détruits et ceux mis sur le marché ne serait que de l’ordre de 1% en Europe (environ 1 200 tonnes en 2015), contre plus de 4 % en France. Les acteurs non étatiques pourraient jouer un rôle important en contribuant par la collecte des gaz en fin de cycle à éviter les émissions de PRC, y compris pour les CFC et H-CFC encore en usage dans d’anciennes appareils et installations.

            Alternatives aux gaz fluorés, Il existe des réfrigérants dits « naturels» comme alternatives aux gaz fluorés : CO2, ammoniac, propane, zéolite, …. Utilisés au niveau industriel, ils présentent des limites à leur utilisation généralisée du fait de la dangerosité de certaines de leurs propriétés : inflammabilité, explosivité ou toxicité.

            Par ailleurs, une nouvelle classe de fluorocarbures, les hydrofluoro-oléfines (HFO) constitue une alternative intéressante avec une durée de vie atmosphérique plus courte que les H-FC et un très faible PRC. Ils offrent des avantages similaires aux H-FC en termes de performance et d'efficacité énergétique mais il est probable que dans de nombreuses applications, notamment en réfrigération, ils seront classés dans l’Union européenne comme « inflammables de catégorie 2L ». Par ailleurs, du fait de leur statut de nouveaux produits, ils sont protégés par des brevets industriels, ce qui représente un coût supplémentaire pour leur utilisation.

            6. Quel est le suivi de l’application des Règlements européens sur les gaz fluorés ?

              7.a. Le suivi par la Commission européenne

              La fréquence des contrôles relatifs à l’usage des gaz fluorés est fonction de leur PRC exprimé en tonnes équivalent de CO2. Par exemple, 1 tonne de H-FC 134a (1,1,1,2-tétrafluoroéthane), qui est principalement utilisé dans le conditionnement d’air automobile, équivaut à 1120 tonnes de CO26. Les opérateurs doivent déclarer chaque année tous les mouvements de l’année écoulée par type de fluide (stockés-achetés-recyclés-régénérés-détruits), y compris pour les exploitants d’unités de réfrigération de camions et remorques frigorifiques qui contiennent des gaz fluorés non contenus dans des mousses d’isolation7. Un rapport sur la disponibilité des H-FC sur le marché sera publié par la Commission Européenneen décembre 2020 avant un rapport global en 2022 qui inclura une prévision de la demande en H-FC jusqu’en 2030 et au-delà.

              7.b. Les ventes illégales de H-FC en Europe

              À mesure que la disponibilité légale de réfrigérants à PRC élevé diminue et que les prix de ces gaz augmentent, il y a de plus en plus de ventes illégales de frigorigènes à travers l'Europe, notamment via des sites Internet. Cependant, la volonté politique de les arrêter semble peu ou pas manifeste, comme le suggère notamment un récent rapport de la Commission Européenne8 qui ne fait aucun état d’un commerce illicite de H-FC.

              Certaines sources ont pourtant révélé plus de 80 offres de H-FC R134a et autres en Allemagne et qu’un fournisseur de réfrigérant chinois en vendait illégalement dans l'UE9. En Pologne, on parle de « contrebande massive et croissante de H-FC » mais une coopération entre le gouvernement et certaines ONG semble produire des résultats tangibles. La Turquie a été dénoncée par une ONG dans la lutte contre ce problème, et en Grèce, l'industrie de la climatisation et de la réfrigération a accusé la Bulgarie d’introduire, pour éviter les quotas, des H-FC en contrebande en provenance d'Albanie, de Macédoine et de Turquie.

              Ici aussi les acteurs non-étatiques peuvent se mobiliser, notamment au niveau des entreprises et de leurs fédérations pour mettre en place des processus facilitant la dénonciation de ces pratiques, tant par les vendeurs que par les acquéreurs.

              6 www.ghgprotocol.org/sites/default/files/ghgp/Global-Warming-Potential-Values%20%28Feb%2016%202016%29_1.pdf
              7www.coolingpost.com/uk-news/gouvernement-rejects-f-gas-concerns/ 
              Au Royaume-Uni, l'anomalie résultant du fait que le grand public pouvait acheter des H-FC pour réalimenter les systèmes de climatisation des voitures a été relancée. Le Comité d'audit environnemental a insisté sur le fait que seules les personnes qualifiées devraient être en mesure de gérer les gaz fluorés car la disponibilité légale de H-FC à GWP élevé pour le rechargement non supervisé des climatiseurs automobiles risquait de saper le système des quotas et le développement des solutions alternatives.
              8 https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/f-gas/legislation/docs/c_2017_5230_en.pdf

              7. Quelles sont les initiatives prises par des acteurs non étatiques pour réduire les utilisations et les émissions de H-FC ?

                Les conditions climatiques sont des déterminants importants du taux d’utilisation des équipements de réfrigération et de conditionnement d’air. La demande énergétique mondiale en climatiseurs devrait tripler d'ici 2050 et nécessitera une capacité électrique équivalente à la capacité actuelle totale des États-Unis, de l'UE et du Japon. Les conditions géographiques, en particulier, les plus nombreuses périodes de canicules, entraînent aussi une hausse de la consommation des fluides frigorigènes. Par ailleurs, l'efficacité énergétique moyenne des climatiseurs sur le marché est faible, trois fois inférieure à la meilleure disponible ; elle est même bien moindre dans les pays en développement qui ont des normes de performance énergétique minimales ou inexistantes en la matière.

                Cette inefficacité globale entraîne chaque année la perte de deux millions de vies, notamment en raison de la détérioration de vaccins en absence de réfrigération, un risque élevé de stress thermique pour environ 500 millions de personnes ou encore le gaspillage de 400 millions de tonnes de nourriture, du fait de l’inexistence des chaînes de froid.

                Les initiatives non étatiques doivent donc aussi accompagner les actions qui sont mises en œuvre par les Etats, les régions et les entreprises pour se conformer au calendrier réglementaire. Ces initiatives peuvent amplifier et accélérer les effets de ces mesures en organisant et coordonnant des initiatives locales qui permettent d‘identifier les transitions susceptibles d’être adaptées aux installations et d’inciter leurs propriétaires et/ou leurs usagers à les mettre en œuvre.

                Opportunités concrètes mises en œuvre pour la réduction des usages et émissions de H-FC
                Elles peuvent être regroupées en cinq catégories principales et largement être appliquées dans chaque pays:
                1. Etablir et renforcer le cadre politique, institutionnel et réglementaire de réduction progressive des H-FC, notamment en élaborant une stratégie intégrée avec d'autres stratégies appropriées; exemple : mettre en œuvre un régime national de licences d'importation et d'exportation et introduire ou modifier un code de construction écologique ; 
                2. Sensibiliser les principaux acteurs : décideurs, industriels, utilisateurs finaux et investisseurs
                3. Lancer des projets d'investissement et de démonstration pour la conversion d'utilisations ou de sous-secteurs particuliers à des solutions de remplacement à faible PRG :
                  Les sous-secteurs à cibler dépendent notamment de la disponibilité, du prix, de ’efficacité et de a sécurité des substituts, ainsi que de circonstances nationales spécifiques. Cela peut inclure des solutions de substitution dans les secteurs où les H-FC ne sont pas utilisés actuellement, mais qui pourraient l’être après l'élimination des HCFC, notamment les mousses d’isolation thermique.  
                4. Créer des formations destinées à tous les groupes de parties prenantes : techniciens de maintenance, mais également des ingénieurs de conception des chaînes de production d’usines, travailleurs, etc ; 
                5. Renforçer le contrôle des fuites et les efforts visant à améliorer la récupération, le recyclage et la réutilisation des H-FC, tout en contribuant à réduire les quantités nécessaires à une utilisation particulière. 

                8.a. Exemples d’initiatives au niveau d’organisations internationales

                Pour les usages des H-FC au niveau mondial, l’initiative de la Climate & Clean Air Coalition vise à mobiliser les efforts du secteur privé, de la société civile, des organisations internationales et des gouvernements en proposant des initiatives génériques contribuant à assurer la transition vers des réfrigérants à faible PRC au cours des prochaines décennies.

                Selon le Laboratoire National Lawrence Berkeley10, une transition combinée dans le secteur de la climatisation vers des frigorigènes à faible PRC et une plus grande efficacité énergétique pourraient produire, d'ici 2050, des économies d'énergie de pointe de 544 à 1,270 gigawatts-heure, c’est à dire une quantité égale à la production d’un millier de centrales au charbon de taille moyenne.

                La Campagne Rapide d’Atténuation des effets du Climat (Rapid Climate Mitigation Campaign) développée par l’Institute for Governance and Sustainable Development (IGSD)11 encourage l’utilisation des lois et des institutions existantes, notamment en matière de H-FC, et complète les efforts de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Elle propose des stratégies d'actions qui peuvent être lancées dans les 2-3 ans, puis mises en œuvre dans les 5 ans dans les pays développés et dans les 10 ans dans les pays en développement. A noter aussi l’existence de la plate-forme de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)12 qui rassemble toutes les informations relatives à la réfrigération en matière d’efficacité énergétique et contribue entre autres au suivi opérationnel du Processus du Kigali Progress Tracker.

                Pour encadrer les actions non étatiques il existe des outils tels que ceux développés par le groupe de travail du Conseil sur la stabilité financière (TCFD)13. Celui-ci développe des recommandations pour des actions volontaires et cohérentes de rapportage sur les risques financiers liés au climat fondées sur des faits (« Science-based targets ») et encourage les entreprises à mieux les gérer. Le TCFD stimule la demande de transparence dans des déclarations standardisées et incite les investisseurs à valoriser les entreprises qui vont plus loin dans la réduction de leur empreinte environnementale.

                Une autre initiative qui entre en phase de test en France est le développement par la Fondation 201914 d’une forme de « TVA circulaire » qui permet d’intégrer le coût des externalités environnementales des produits, y compris le coût de leur impact climatique.

                Les partenariats d’organismes non étatiques avec les pays en développement sont très efficaces pour aider les gouvernements à élaborer et accélérer des politiques, normes et programmes efficaces, y compris des programmes de conformité et des incitations financières susceptibles de mettre en œuvre des plans d'efficacité de la réfrigération. Ainsi, le Kigali Cooling Efficiency Programme15 (K-CEP) associé à la ClimateWorks Foundation16, a été créé pour intégrer l'efficacité énergétique dans la réduction des gaz fluorés à haut PRC. Le K-CEP soutient également l'initiative Cooling for All, menée par Sustainable Energy for All (SE4All) pour stimuler l'action et le leadership politique existant en créant des interactions directes avec l’Accord de Paris sur le climat et les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies17. L’objectif est de réunir talents, expertises et bénéficiaires des programmes dans un réseau solide et solidaire pour partager les meilleures pratiques et favoriser la demande croissante d'accès à la réfrigération dans le cadre d’une transition énergétique propre.

                8.b. Exemples d’initiatives au niveau des entreprises

                Le domaine de la réfrigération est particulièrement concerné par une réduction intelligente de l‘impact climatique des gaz fluorés. Le secteur des biens de consommation (sites de fabrication ou magasins de détail) a une responsabilité spécifique dans les actions entreprises pour maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et en particulier celles de gaz fluorés dans tous les segments de la chaîne de valeur. A la croisée des fournisseurs et des consommateurs, il concerne presque tous les habitants de la planète. Malgré leurs avantages démontrés, les solutions à faibles émissions de carbone n’y sont cependant pas encore largement appliquées.

                Tous les réfrigérants alternatifs aux H-FC ont encore de nombreux défis à relever dans tous les types de systèmes réfrigérants ; c’est le cas pour leur inflammabilité, leur toxicité, leur efficacité parfois moindre, et leur coût. Evaluer les alternatives possibles et atteindre un équilibre entre sécurité, efficacité énergétique, coûts et impact environnemental impose donc de disposer d’une méthodologie systémique cohérente intégrant notamment une bonne conception des systèmes de réfrigération. Cette dernière est indispensable pour prévenir les pertes de frigorigènes pendant l'installation, l'exploitation et la maintenance des équipements mais aussi pour leur déclassement et leur élimination en fin de vie.

                Dans ce contexte, le Consumer Goods Forum (CGF)18, réseau mondial qui réunit quelque 400 détaillants, fabricants, fournisseurs de services et autres parties prenantes dans 70 pays, prône les avantages des solutions à faible ou à zéro carbone à l'échelle mondiale. Celles-ci permettent aussi aux entreprises d’accroître leur compétitivité et d’identifier de nouvelles opportunités commerciales.

                Le projet LIFE-IREPRO19 a pour objectif de transformer le processus traditionnel de production d’hydrocarbures non fluorés industriels (éthane, propane, propylène, butène, isobutène et diméthyléther), coûteux et rigide, en un système hautement innovant plus souple, sûr, et économique. Celui-ci serait aussi plus durable et efficace pour la réfrigération industrielle à faible PRC tout en entraînant une diminution des émissions des gaz à effet de serre, et de la consommation d'eau et d'énergie. Il devrait permettre de surmonter les obstacles qui limitent jusqu’à présent l’utilisation des hydrocarbures, y compris leur faible polyvalence, la présence de sous-produits indésirables et le traitement et la manipulation de gaz hautement inflammables.

                De nombreux fabricants de systèmes de réfrigération et de climatisation qui avaient repensé leurs systèmes pour ne plus utiliser de CFC, ont profité de l'occasion pour améliorer l'efficacité de leurs conceptions, en réduire les coûts et, selon l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, les systèmes de refroidissement seraient jusqu'à 50% plus efficaces au plan énergétique. Coca-Cola et PepsiCo, par exemple ont signalé des gains d'efficacité énergétique allant jusqu'à 47% dans leurs nouveaux équipements de réfrigération à base de CO2 et d'hydrocarbures par rapport aux modèles H-FC20.

                Pour ce qui est de la fin de vie, il y a des initiatives, comme le centre de tests de la société GIELLE en Italie21, qui effectue la mise à niveau et la rénovation d'anciens systèmes d’extinction d'incendies utilisant des H-CFC et des H-FC, déconditionne les extincteurs aux gaz fluorés et recycle ou élimine les gaz en toute sécurité. Des équipes d'ingénieurs spécialisés ont développé un incinérateur à très haute température destiné à la destruction en toute sécurité des gaz fluorés, qui sera approuvé par une agence officielle.

                Pour la protection contre les incendies, les sociétés et organisations qui continuent à devoir utiliser des systèmes aux gaz fluorés ont mis en place des programmes visant à identifier leurs besoins les plus critiques, et les gaz fluorés pouvant être retirés d'installations non critiques ou obsolètes pour être réutilisés dans des applications plus critiques.

                9 www.coolingpost.com/world-news/icool-acts-on-illegal-refrigerant-sales/ 
                www.coolingpost.com/world-news/german-ebay-awash-with-illegal-r134a/ 
                www.coolingpost.com/world-news/poland-swamped-by-illegal-refrigerant/ 
                10 www.coolingpost.com/world-news/icool-acts-on-illegal-refrigerant-sales/  
                11 www.coolingpost.com/world-news/german-ebay-awash-with-illegal-r134a/ 
                12 www.coolingpost.com/world-news/poland-swamped-by-illegal-refrigerant/ 
                13 www.fsb-tcfd.org/publications/final-recommendations-report/ 
                14 http://www.fondation-2019.fr/programme-de-recherche/ 
                www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0301329552325-pour-une-tva-circulaire-2155460.php 
                15 https://www.k-cep.org/year-one-report/  
                16 www.climateworks.org/ 
                17 www.un.org/sustainabledevelopment/sustainable-development-goals/ 
                18 www.theconsumergoodsforum.com/#googtrans(en|fr)  
                19 http://ec.europa.eu/environment/life/project/Projects/index.cfm?fuseaction=search.dspPage&n_proj_id=6233 
                20  www.igsd.org/wp-content/uploads/2017/05/H-FC-Primer-19May2017.pdf
                21 http://gielle.it/adv/fgas-en.html?camp=fgas-disposal&gclid=EAIaIQobChMI9dDcg4WS3QIVzrftCh3o7whEEAMYAiAAEgIRTvD_BwE 

                8. Quelles sont les initiatives en particulier en matière de réfrigération et conditionnement d’air ?

                  Les projets de la Coalition Climate & Clean Air adoptés en 2014 pourraient servir d’exemple d’actions accessibles aux acteurs non-étatiques. Ils ont pour objet de démontrer la faisabilité technique et la viabilité commerciale des technologies à faible PRC et à faible consommation d’énergie et d’encourager leur adoption dans la réfrigération commerciale et la climatisation automobile. Avec l'Institut pour la Gouvernance et le Développement Durable (IGSD) qui coordonne le projet, des entreprises comme Mahle et Tata Motors ont reçu un financement de la Coalition pour développer un système (SL-MAC) qui prévoit l’essai de frigorigènes à faible PRC22.

                  9.a. Les nouvelles options disponibles pour les systèmes de réfrigération dans le secteur de la réfrigération commerciale

                  En raison des niveaux élevés de pertes dans ces systèmes, la réfrigération commerciale est l'un des secteurs où la demande de réfrigérants est la plus élevée23. Dans l'UE, elle représente environ 40% des émissions de gaz à effet de serre directes (pertes liées aux fluides frigorigènes24), et indirectes (liée à la consommation énergétique), et la plus grande partie (85%) provient des supermarchés. La majorité des systèmes de réfrigération actuels sont centralisés dans une salle des machines séparée, ce qui favorise les pertes, et ils utilisent encore des H-FC car les réfrigérants à faible PRG autre que le CO2 ne semblent pas encore être disponibles pour de telles installations.

                  Pourtant, de meilleures pratiques de conception et d'installation réduiraient de 60% les émissions directes de réfrigérants et, en augmentant l’efficacité énergétique des systèmes, en réduirait l’impact climatique indirect. La première règle est donc de veiller à ce que les systèmes soient correctement dimensionnés, bien entretenus pour éviter les pannes et fuites, et correctement isolés pour minimiser les pertes thermiques. C’est à ce niveau que de multiples actions non étatiques peuvent être déterminantes.

                  Les systèmes autonomes qui sont très répandus dans les applications commerciales légères et les magasins de proximité, et pour lesquels il existe des fluides frigorigènes alternatifs tels que les hydrocarbures (propane, isobutane), l'ammoniac ou le CO2, s’avèreraient utilisables dans les plus grandes surfaces. Par ailleurs, le CO2 dit transcritique semble être devenu une technologie opérationnelle pour la réfrigération commerciale, en particulier dans les climats froids et doux25.

                  Un enjeu particulier reste celui de la certification spécifique de conformité à la législation de l'UE que doivent acquérir les techniciens qui manipulent, récupèrent, fournissent, installent, fabriquent, entretiennent ou possèdent des équipements de refroidissement contenant des réfrigérants H-FC. Dans ce contexte, les États membres doivent reconnaître les certificats et les attestations de formation délivrés dans un autre État membre. De nombreuses entreprises et associations à travers l'Europe proposent des documents guides et des formations pour une telle qualification. Les certifications ne prennent généralement pas en compte l’efficacité énergétique alors que la consommation d'énergie est accrue. En négligeant celle-ci dans l'optimisation, la surveillance et la maintenance des équipements, les performances de refroidissement seront aussi moins élevées et la durée de vie des équipements réduite.

                  9.b. Exemples de substitution dans la chaîne du froid des supermarchés et le transport par conteneurs

                  Les progrès réalisés dans les technologies de réfrigération peuvent aider, notamment les détaillants de produits alimentaires, à réduire les charges de frigorigènes et leurs émissions.

                  Dans un rapport du PNUE de 2016 Lower-GWP Alternatives in Commercial and Transport Refrigeration: An expanded compilation of propane, CO2, ammonia and HFO case studies, 26 (Solutions de rechange à faible PRC dans la réfrigération commerciale et de transport), certaines des études de cas fournissent une approche systémique des enjeux avec des méthodologies et des outils de conception énergétique de pointe tels que des modèles informatiques et des techniques de simulation de dynamique de flux d'air (CFD) et d'éclairage. Cette approche est souvent négligée alors que toutes les formes d'utilisation de l'énergie doivent être vérifiées/examinées. Par exemple, les interactions entre générateurs de chaleur et de refroidissement doivent être analysées pour optimiser leur efficacité énergétique.

                  De nombreux autres exemples présentés dans divers rapports27 illustrent les options disponibles pour adapter les systèmes à des réfrigérants à PRC nul ou faible. Ils sont principalement axés sur la mise en œuvre du CO2, des hydrocarbures et des frigorigènes HFO insaturés, ainsi que sur d’autres options de déploiement utilisant l’ammoniac et d’autres configurations de frigorigènes. Ils devraient inspirer la généralisation des transitions dans le cas des systèmes utilisés dans les supermarchés, ainsi que dans celui d’unités autonomes en tenant compte de tous les facteurs impliqués : la conception, la performance énergétique, l'impact climatique et l'analyse des coûts.

                  Parmi ces exemples, des entreprises individuelles membres du Consumer Goods Forum (CGF), notamment Wal-Mart, Nestlé, Sobeys, Supervalu et Tesco, ont converti leurs équipements existants vers des réfrigérants à faibles PRC tout en réduisant les fuites et en améliorant leur efficacité énergétique. En 2014, Whirlpool a substitué tous les agents gonflants des mousses d’isolation utilisées dans la fabrication des réfrigérateurs et des congélateurs vendus en Amérique du Nord28, avec une réduction de potentiel de réchauffement climatique (PRC) de 99,9%.

                  Ces exemples ne doivent donc pas être interprétés comme des solutions applicables à toutes les autres sociétés du même secteur et le rapport du CGF souligne en particulier qu’un facteur de réussite essentiel pour tous les types de solutions est la collaboration entre les services concernés au sein d’une entreprise et/ou entre les entreprises concernées.

                  Annexe : Quelle est la situation réglementaire en France relative aux H-FC ?

                  Le Plan Climat français présenté en juillet 2017 prévoyait d’introduire une fiscalité incitative sur les H-FC mais les modalités n’en avaient toujours pas été présentées fin 2018. Par ailleurs, un Observatoire des Gaz Fluorés a pour rôle de contrôler les quantités des différents types de gaz mis sur le marché, utilisés, recyclés ou détruits et de contrôler les acteurs des filières concernées, en particulier dans le secteur du froid et de la climatisation, de la protection incendie, de la haute-tension et en tant que solvants.

                  Au niveau non étatique, la réglementation impose des obligations aux distributeurs de fluides frigorigènes procédant, à titre professionnel, à toute opération nécessitant la manipulation de fluides frigorigènes. Les producteurs de fluides frigorigènes et d’équipements pré-chargés en fluides frigorigènes doivent les récupérer sans frais supplémentaires, les traiter ou les faire traiter dans des installations autorisées sur le territoire national ou à l’étranger afin de permettre leur réutilisation en conformité avec leurs spécifications d’origine, ou bien de les faire détruire en cas d’impossibilité de mise en conformité ou de réutilisation interdite.

                  22 http://ccacoalition.org/en/activity/H-FC-alternative-technology-demonstration-projects  and Tata Motors and MAHLE partner together to develop a prototype Secondary Loop Mobile Air Conditioning System on a vehicle
                  23 Selon l'évaluation réalisée en 2014 par le Comité consultatif du Protocole de Montréal et le Comité des options techniques du Groupe de l'évaluation technique et économique (TEAP)
                  24 Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) / TEAP-1
                  25  https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/f-gas/legislation/docs/c_2017_5230_en.pdf
                  26  www.unep.fr/ozonaction/information/mmcfiles/7806-e-Lower-GWP_Alternatives_in_Commercial_and_Transport_Ref.n.pdf
                  27 Ces exemples sont issus de deux rapports précédemment cités: le rapport de 2016 du PNUE et le rapport du CGF
                  28 En passant du H-FC-245fa (ayant un PRC de 100-an = 858) au HFO-1233zd (ayant un PRC 100-an = ~ 1)


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